Le Cher a cessé progressivement d'être navigué par des bateaux commerciaux à partir de 1920 pour s'éteindre totalement vers les années 1950. Il s'en suit le décret de déclassement promulgué à l'époque de Pierre Mendès-France. L'état des ouvrages fluviaux se dégrade. Des portes d'écluses deviennent inexistantes ou en piteux état.
En 1987, Bernard Millet et son associée Christiane Sonnier entreprennent un projet un peu fou : celui d'exploiter un bateau-restaurant sur un bief du Cher le plus touristique, celui du château de Chenonceau. Son port d'attache sera donc le village de Chisseaux en Indre et Loire.
Mais les propriétaires du château de Chenonceau ne le voient pas de cette façon et revendiquent la propriété exclusive et sans partage de la rivière. Le Château était là avant l'instauration du Domaine Public Fluvial par Colbert, mais le Cher est inscrit comme rivière domaniale de Vierzon à Tours.
Nous avons là un conflit entre le droit et la coutume. Mais les conditions imposées à la DDE par les propriétaires du château laissent à penser que ces derniers redoutent que les quelques navigateurs annuels du Cher, dont le nombre, canoés et bateaux habitables confondus, ne doit même pas atteindre celui des visiteurs du château en une seule demi-journée, ne constituent pour eux un manque à gagner insupportable;
Ceux-ci s'étaient élevés avec véhémence contre le projet. Il s'ensuit une série de procès en tribunaux administratifs que le château perd en totalité. L'affaire ira jusqu'en Conseil d'Etat, et, en fin de compte, la société en création utilisera le Cher sans restrictions . Et pourtant, en Touraine, on ne donnait pas cher de la Bélandre.....
Certes ils ont du fléchir, mais avec de sérieuses contre-parties : on ne doit pas s'attarder, pas s'amarrer, pas faire demi-tour dans le bief, bref, si le péage pouvait être rétabli comme au temps de la féodalité, on sent que les propriétaires du château ne s'en priveraient pas. Les navigateurs qui admirent le château depuis la rivière ne sont-ils pas eux-aussi des visiteurs en puissance ?
Mais au fait qu'es-ce que la Bélandre ?
La Bélandre est à l'origine le nom typique d'un style de bateau de commerce ressemblant à une péniche (photo ci-dessous - source projet.Babel).
Le nom du bateau-restaurant prendra alors le nom typique de ce bateau, et il n'en changera pas jusqu'à nos jours. C'est ainsi que ces deux personnes devinrent en somme les premiers amis du Cher.
Les Amis du Cher d'aujourd'hui leur doivent sans aucun doute le droit de circuler sur le Cher. Avec le concours du Maire de Chisseaux , Gilles Guignard, le projet prend forme. Il faut dire que Gilles Guignard était à cette époque le président du syndicat du Cher Canalisé, et nous lui devons tous également ce droit de naviguer. Le président suivant continuera la réhabilitation du Cher à la navigation de plaisance sur tout son parcours canalisé en plaçant des portes neuves, des pontons d'attente , et des bornes électriques.
La première remise en état était donc l'écluse de Chisseaux, financée par le Conseil général d'Indre et Loire ( 1 million de francs) et inaugurée par Monsieur Gomaere. La Bélandre devenait ainsi le premier bateau touristique sur le Cher. La bélandre a ainsi promené des milliers de touristes sous les arches du château. Un hiver, elle est descendue jusqu'à Veretz et le Président de l'association, Roger-Bernard Bouyrie, se souvient d'un soir de dîner en tête à tête sur l'eau. un souvenir inoubliable. Voici ce qu'était La Bélandre à ce moment là :
La Bélandre fut ensuite coupée en deux puis rallongée et modifiée en 1994 dans un chantier de L'Ile-Bouchard (37), puis elle change de propriétaire en 2001. Elle se glisse majestueusement sur la rivière qui attire aussi les curieux.
En 2005 , un groupe d'amoureux de la rivière crée l'association des Amis du Cher canalisé, car il y a péril à l'horizon. Si nous sommes conscients que notre poids ne peut égaler celui des professionnels, il ne peut que consolider l'action dans la limite de nos moyens bien sûr. Le Gérant de la Bélandre, Laurent Deprick devient membre actif.
Il faut rappeler qu'en 2003 un décret classe le cours d'eau pour les poissons migrateurs comme l'Anguille, la Lamproie et les Aloses. Les pouvoirs publics avaient 5 années devant eux pour réaliser des dispositifs de franchissement à chaque barrage, mais personne , sauf le Président du Syndicat Yvon Thalineau ne s'en préoccupe.
Le verdict tombe: un décret préfectoral oblige à laisser les barrages à aiguilles couchés du 30 octobre au 1 juillet pour laisser passer les poissons migrateurs.
Le Gérant de la Bélandre, Laurent Deprick voit donc l'horizon se rétrécir : c'est 3 mois de perdus par an sur une période qui n'en compte que 6 ! Il multiplie les actions médiatiques. Les Amis du Cher relancent les élus lors de la manifestation annuelle Cher en Fête de Chisseaux, mais rien ne bouge.
En haut, les pros et les particuliers en manif devant le château de Chenonceau. Ci-dessus la NYMPHÉA et la BÉLANDRE à couple.
La Bélandre ne devra son salut sur le Cher pour deux années supplémentaires que grâce à l'idée des "fausses bassinées" proposée par les Amis du Cher et reprise par le secrétaire d’État Hervé Novelli pour un test sur le bief du château, avec la bénédiction du Ministre Jean-Louis Boorlo..
La suite n'est pas reluisante pour la région Centre et les départements qui n'arrivent pas à mener un projet conjoint ( les différences politiques jouent alors un rôle de frein qui courre à la perte d'un projet pourtant prometteur. La Bélandre s'en ira sur la Charente, dans des lieux plus propices au développement et des pouvoirs publics motivés.
Déjà d'autres professionnels dont on parle moins se sont cassés les dents ou ont abandonné: c'est le cas par exemple du Bateau-Mouche LÉONARD DE VINCI à Montrichard qui a cessé son activité, la péniche-hôtel NYMPHÉA, qui perd 3 mois d'activité par an, d'autres projets d'entreprises qui gèlent leur décision face à ce fiasco et tout cela pour une Alose inexistante, c'est le résultat du test de 2009 !
En février 2010, L'AMBACIA, bateau de promenade appartenant à la société de la Bélandre, quitte son port d'attache d'Amboise pour remplacer la BÉLANDRE sur le Cher à Chisseaux.
En parallèle, le JAMES SANS TOI, bac du Havre transformé en bateau-logement par William, pilote de l'Ambacia, quitte les eaux du Cher pour rejoindre celles de la Charente pour piloter La Bélandre.
Le James sans toi est à l'origine un bac du port du Havre. Racheté par William, le pilote de l'Ambacia, il le transforme avec goût en bateau-logement et y vivait sur le Cher à Chisseaux. William sera désormais le pilote de la Bélandre sur la Charente
La dépose sur le camion. Remarquez la boiserie : on dirait un bateau venu de Louisiane...il ne manque que les roues à aubes !
Une dernière vue avant de partir ......remarquez la nouvelle timonerie réglable pour passer sous les ponts de la Charente.
La Bélandre sur la Charente .......belle rivière mais.......... sans Chenonceau
( source Sud-ouest du 7 mars 2010)